Comprendre (enfin) la justice pénale des mineurs

Nous proposons ici une explication de la justice pénale pour les mineurs assortie de 11 mesures de réformes

8/18/20258 min read

COMPRENDRE (enfin) LA JUSTICE PENALE DES MINEURS

I – Les grands principes de la justice pénale des mineurs


Depuis le 30 septembre 2021 est en vigueur le code de la justice pénale des mineurs, qui remplace l’ordonnance du 2 février 1945, devenue illisible et peu adaptée aux enjeux contemporains. C’est principalement une codification à droit constant avec un changement majeur toutefois : le passage d’un régime où le juge des enfants agissait comme juge d’instruction (convocation > mise en examen > clôture > jugement) à un régime de césure du procès (convocation > culpabilité > sanction).

Cette réforme a permis de réduire les délais entre la commission de l’infraction et la décision sur la culpabilité, qui doit en principe intervenir dans un délai de 3 mois. En revanche, le délai entre la déclaration de culpabilité et la sanction peut être long, entre 6 et 9 mois.

Les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs ont toutefois été repris :

  • Primauté de l’éducatif sur le répressif : la sanction pénale est le dernier recours

  • Spécialisation des acteurs et des procédures

  • Excuse de minorité : un mineur encourt la moitié des peines prévues par le code pénal

L’excuse de minorité ne signifie donc pas le recours à l’ensemble de la procédure dérogatoire concernant les mineurs mais uniquement la réduction du quantum de peine encouru. Il est donc vain de solliciter la levée de l’excuse de minorité quand les difficultés soulevées sont davantage en lien avec les mesures de sûreté (détention provisoire, contrôle judiciaire) ou avec le laxisme général.

Exemple : un mineur qui commet un vol aggravé encourt de 2,5 à 5 ans ferme. Le problème n’est pas de passer à une peine de 5 à 10 ans mais d’obtenir une peine d’emprisonnement et non pas un avertissement judiciaire ou un travail d’intérêt général. Lever l’excuse de minorité n’empêchera pas les juges de prononcer des sanctions bien inférieures aux peines encourues.

II – La phase présentencielle

Il y a peu de différence entre la procédure pénale applicable aux mineurs et celle applicable aux majeurs lors de la phase d’enquête. Les conditions de garde-à-vue sont plus restrictives mais cela n’empêche généralement pas d’enquêter et de poursuivre efficacement les mineurs.

Une fois l’enquête terminée, trois modes de poursuite existent pour les mineurs comme pour les majeurs :

  • La convocation par OPJ : le mineur est convoqué à venir ultérieurement devant un juge des enfants ou un tribunal pour enfants

  • Le défèrement : le mineur est immédiatement présenté au procureur qui lui remet une convocation à une date ultérieure, puis à un juge des enfants (placement sous mesure éducative judiciaire provisoire ou sous contrôle judiciaire) ou à un juge des libertés et de la détention (placement en détention provisoire)

  • L’ouverture d’information judiciaire : la poursuite d’enquête est confiée à un juge d’instruction qui peut placer sous contrôle judiciaire ou saisir le JLD pour détention provisoire 🡪 OBLIGATOIRE pour les crimes

La difficulté n’est pas tant de faire juger un mineur, les délais du CJPM étant raisonnables. La question est celle du sort du mineur entre la décision de poursuite et son jugement et des mesures de coercition possibles. Le principe est l’absence de mesure de coercition et le prononcé, en cas de défèrement, d’une mesure éducative judiciaire provisoire. Concrètement, la violation de cette mesure ne donne lieu à aucune sanction. Le contrôle judiciaire n’est prononcé que si la mesure éducative est insuffisante. Et la détention provisoire, hors ouverture d’information judiciaire, n’est possible que dans le cas d’une procédure spécifique (voir infra).

Proposition n°1 : rendre le placement sous contrôle judiciaire obligatoire si le mineur a déjà été condamné ou est déjà sous mesure éducative judiciaire provisoire.

La détention provisoire d’un mineur ab initio (hors cas de violation du contrôle judiciaire) n’est possible que dans deux cadres :

  • L’audience unique (délits) : sur décision du procureur, le mineur est déféré pour être présenté dans un délai de 10 jours à 1 mois au tribunal pour enfants afin d’être jugé à la fois sur la culpabilité et la sanction. Dans l’attente, il peut être détenu sur décision du JLD. Les conditions sont strictes : minimum de peine encourue, existence d’un antécédent, exclusion pour les mineurs de moins de 16 ans…

  • L’information judiciaire (crimes) : le mineur présenté à un juge d’instruction peut être placé en détention provisoire s’il a commis un crime. Cependant, les délais sont plus courts que ceux des majeurs. Pour exemple, un mineur de moins de 16 ans mis en examen pour un viol ou un meurtre ne peut être détenu que pour une durée maximale d’un an.

Proposition n°2 : élargir la possibilité de détention provisoire en cas de commission d’un délit aux mineurs de moins de 16 ans et à toutes les atteintes aux personnes, sans condition de quantum encouru ni d’antécédent.

Proposition n°3 : allonger les délais de la détention provisoire criminelle pour les mineurs à 2 ans y compris pour les moins de 16 ans.

Hors information judiciaire, c’est le juge des enfants qui a la charge du suivi du mineur en attendant son jugement. Si le juge des enfants estime qu’il n’est pas nécessaire de placer le mineur dans un centre fermé ou de faire révoquer son contrôle judiciaire malgré des violations répétées, il ne se passera rien 🡪 à partir du moment où la poursuite est décidée, le parquet perd totalement la main sur le sort du mineur, au profit du juge des enfants.

Proposition n°4 : permettre au parquet de saisir directement le juge des libertés et de la détention pour révocation en cas de violation du contrôle judiciaire.

III – Le jugement

A. Procédure classique avec césure

  • Jugement sur la culpabilité

Le mineur comparaît devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants qui statue sur sa culpabilité et sur l’action civile. Si le mineur est déclaré coupable, s’ouvre alors une période de mise à l’épreuve éducative au cours de laquelle il est à nouveau soumis à une mesure éducative ou un contrôle judiciaire.

Dans la période comprise entre le jugement de culpabilité et la sanction, la condamnation n’est pas inscrite au casier judiciaire et le mineur, s’il commet de nouveaux faits, n’est donc pas considéré comme en état de récidive.

Proposition n°5 : inscrire la décision sur la culpabilité au casier judiciaire et la considérer comme un premier terme de récidive.

Le juge des enfants garde la main sur le suivi de ces mesures.

Proposition n°4 bis : permettre au parquet de saisir directement le juge des libertés et de la détention pour révocation en cas de violation du contrôle judiciaire.

  • Jugement sur la sanction

Dans un délai de 6 à 9 mois après la déclaration de culpabilité, le mineur comparaît à nouveau devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants pour qu’il soit statué sur la sanction. S’il comparaît devant le juge des enfants, celui-ci ne peut prononcer qu’une mesure éducative, un travail d’intérêt général ou un stage 🡪 pas de peine d’emprisonnement possible.

Le choix d’orienter le mineur vers le juge des enfants ou le tribunal pour enfants est une décision du… juge des enfants. La juridiction de principe est le juge des enfants. Le parquet n’a à nouveau pas la main sur l’orientation du mineur et donc sur les peines qu’il sera possible de prononcer.

Proposition n°6 : donner au parquet une compétence partagée sur l’orientation des mineurs au stade de la sanction. Le renvoi en chambre du conseil (devant le juge des enfants seul) ne pourra se faire qu’avec l’accord du parquet. En cas de réquisitions de renvoi devant le tribunal pour enfants, cette orientation sera obligatoire.

Par ailleurs, au nom de la spécialisation des acteurs et de la primauté de l’éducatif, le juge des enfants au pénal est aussi le juge qui suit le mineur en assistance éducative, au civil. Il est donc souvent influencé par la connaissance du mineur qu’il a connu enfant et considère avant tout comme un enfant en danger.

Proposition n°7 : au nom du principe d’impartialité, interdire au juge des enfants qui suit le mineur en assistance éducative de le juger au pénal.

Les mesures pouvant être prononcées à l’encontre des mineurs :

- Déclaration de réussite éducative

- Avertissement judiciaire

- Mesure éducative judiciaire

- Peines sauf exceptions

Actuellement seul le prononcé d’une peine permet de considérer la condamnation comme un premier terme de récidive. Un mineur peut donc avoir déjà été condamné et pour autant être considéré comme primo délinquant s’il commet une nouvelle infraction.

Proposition n°5 bis : permettre à toute condamnation prononcée de constituer un premier terme de récidive, y compris s’il s’agit d’une mesure éducative.

Proposition n°8 : interdire le cumul des mesures éducatives à l’égard d’un même mineur. Un mineur pour lequel a déjà été prononcé un avertissement judiciaire ne pourra pas en recevoir un second. Un mineur déjà condamné à une mesure éducative judiciaire devra nécessairement être condamné à une peine.

B. Audience unique

Si le parquet a orienté le mineur en audience unique devant le tribunal pour enfants, celui-ci comparaît détenu ou sous contrôle judiciaire et est jugé une seule fois sur la culpabilité et la sanction 🡪 cela permet donc de juger un mineur dans un délai de 10 jours à 1 mois à compter de sa garde à vue.

MAIS le tribunal (donc le juge des enfants qui préside) peut décider de revenir sur la décision du parquet et de procéder à une césure, donc ne statuer que sur la culpabilité (retour au point A).

L’audience présente les mêmes difficultés chez les mineurs que chez les majeurs, à savoir des peines faibles, très éloignées du quantum encouru, massivement aménagées lorsqu’il s’agit de peines d’emprisonnement.

Proposition n°9 : un tribunal pour enfants saisi par le parquet selon la procédure d’audience unique ne pourra pas recourir à la césure et devra juger immédiatement le mineur sur la culpabilité et sur la sanction.

C. Renvoi par le juge d’instruction

A l’issue de ses investigations, le juge d’instruction peut renvoyer le mineur :

  • Devant le juge des enfants (pour les mineurs les plus jeunes)

  • Devant le tribunal pour enfants (délits)

  • Devant le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle (crimes commis par des mineurs de moins de 16 ans)

  • Devant la Cour d’assises des mineurs (crimes commis par des mineurs de 16 ans et plus)

Un tribunal pour enfants est composé d’un juge des enfants qui préside et de deux assesseurs civils, sélectionnés comme ayant un intérêt particulier pour les mineurs. Ce sont souvent d’anciens enseignants, éducateurs, majoritairement à la retraite. Le juge des enfants est donc le seul magistrat professionnel, y compris en TPE criminel (qui peut prononcer jusqu’à 30 ans de réclusion), et a la main sur les débats et sur la décision rendue.

Proposition n°10 : tous les mineurs renvoyés pour un crime seront jugés par une Cour d’assises. Suppression du tribunal pour enfants criminel.

Proposition n°11 : actuellement si le mineur est placé au pénal ou au civil les dommages-intérêts à verser à la partie civile sont supportés par la collectivité, considérée comme étant en charge du mineur au moment des faits > faire supporter aux parents le coût des dommages-intérêts même si le mineur était placé au moment des faits.