Une indispensable augmentation du budget de la défense

Le budget de la défense doit être considérablement augmenté afin de s'adapter à l'évolution du contexte stratégique français.

10/27/20257 min read

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les nations européennes semblent prendre conscience qu’il est vital de bénéficier d’une puissance militaire suffisante pour ne pas subir les volontés hégémoniques d’autrui. A ce titre, on constate, en Europe en particulier et dans le monde plus généralement une augmentation considérable des budgets alloués au secteur de la défense depuis quelques années. Après plusieurs décennies de coupes budgétaires, l’Armée Française bénéficie enfin d’une augmentation de ressources, notamment avec l’application de la nouvelle Loi de Programmation Militaire (LPM), qui prévoit d’attribuer 413 milliards d’euros aux armées françaises de 2024 à 2030. Cependant, le retard accumulé est impressionnant, et l’effort consenti pour les armées doit augmenter, il en va de la souveraineté et de la crédibilité de la France.

1- Le secteur de la défense : un secteur trop longtemps malmené.

Si l’effort budgétaire peut paraître aujourd’hui important, il est absolument nécessaire compte tenu du retard accumulé depuis des années. La part, en pourcentage du PIB, allouée à la défense chute considérablement notamment sous les présidence de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. De 1997 à 2008, les budgets prévus par la LPM (qui définit quels seront les dépenses militaires sur les 6 années prochaines) ne sont presque jamais appliqués, et les dotations par an pour les armées sont souvent rabotées de plusieurs centaines de millions à plusieurs milliards d’euros par an. Nicolas Sarkozy, qui prévoyait à la suite du Livre Blanc de 2008 une augmentation du budget de l’armée, y renonce finalement suite à la crise financière. Encore une fois, l’Armée Française sert de variable d’ajustement aux tentatives d’équilibre budgétaire. Sous François Hollande, la France est marquée par de nombreux attentats, qui pousse à la mise en place de patrouilles (mission Vigipirate puis Sentinelle). Ces missions coûteuses, ne nécessitaient pas d’investissement majeurs à long terme dans la défense française. En 2017, alors qu’Emmanuel Macron avait promis un budget militaire à 2% du PIB, il annonce finalement une coupe budgétaire de 850 millions d’euros. On se rappelle du bras de fer entre le Général de Villiers, Chef d’Etat Major des Armées (CEMA) et Emmanuel Macron, autour du 14 juillet. Le Général Pierre de Villiers démissionnera peu après. C’est finalement après 2022 que qu’Emmanuel Macron prend conscience que le budget militaire doit augmenter. Mais une armée ne se modernise pas en un claquement de doigt, et comme souvent, les politiques manquent de vision à long terme. Se plaçant en gestionnaires plutôt qu’en stratèges, le temps perdu est considérable.

2- La France face à une évolution brutale du contexte stratégique et une persistance des menaces.

Depuis 2022, l’environnement stratégique français a considérablement évolué. La France passe de la lutte contre le terrorisme (en Afrique notamment), à une préparation à un engagement majeur, mobilisant des milliers d’hommes sur un théâtre, avec l’ensemble des ressources disponibles : un engagement qui ressemble à celui qui oppose Russes et Ukrainiens. Que le lecteur le comprenne, ces deux types de conflits n’ont absolument rien à voir, et l’Armée Française doit totalement se remodeler. En Afrique, les affrontements avaient lieu contre des combattants en infériorité numérique, matérielle, souvent mêlés à la population et connaissant parfaitement le terrain. Les affrontements étaient sporadiques, et les soldats français bénéficiaient d’une supériorité sur le terrain, et dans les airs. Un affrontement de haute intensité est totalement différent. La supériorité aérienne y est contestée. Les adversaires se battent à armes et à nombres égaux. La quantité de matériel déployée y est considérable. Ainsi, se préparer à un engagement majeur nécessite une production accrue en armes, véhicules blindés mobiles, canons, avions et autres… De plus, la situation en Ukraine nous montre un emploi totalement différent des équipements militaires. Le développement des drones (d’observation ou de destruction, seuls ou en essaims) pousse à revoir notre manière de combattre. En effet, aujourd’hui, un drone coûtant quelques centaines d’euros peut détruire un véhicule militaire de plusieurs millions d’euros et mettant plusieurs semaines à être construit. Aujourd’hui, l’Armée Française dispose de toutes les compétences, mais parfois à échelle échantillonnaire. Il nous faut revoir cela, et utiliser à la fois des armements de qualité, coûteux, et d’autres très abordables en quantité.

En parallèle de ce changement stratégique que l’on doit opérer, les menaces qui pèsent sur la France ne faiblissent pas. La France est toujours la cible du terrorisme islamique, qui pousse à consacrer des efforts et des ressources pour le combattre et s’en prémunir. La France est également prise pour cible dans ses territoires d’outre-mer, qui loin de la métropole, sont parfois soumis à des ingérences ou des velléités étrangères. L’Etat doit y montrer sa force et notamment en renforçant sa Marine, pour développer sa présence en Indopacifique et ne pas risquer à moyen terme, par un souci de priorité et dans l’urgence, d’abandonner des possessions lointaines mais françaises !

3- Que faire ?

La solution doit être politique. Elle doit répondre à une volonté. Sur les questions militaires, les hommes politiques depuis des années n’agissent qu’en gestionnaires. Or une armée se construit avec des moyens et sur le long terme. Il faut en finir avec les ministres interchangeables qui permutent de ministère à chaque remaniement. Pourquoi le ministère des armées n’est-il jamais donné à un militaire ?

D’un point de vue concret, voici ce qu’il faudrait faire pour doter les armées françaises des capacités suffisantes pour les années qui s’annoncent :

  • Développer davantage la production d’équipements militaires français. Cette production devra permettre d’assurer un stock suffisant aux armées françaises pour l’entrainement et en cas de conflit.

  • Vendre plus d’équipements militaires au sein de l’Union Européenne. Les pays de l’Union Européenne se fournissent majoritairement avec du matériel américain. Ce n’est plus possible. Nous devons entamer un rapport de force avec l’Union Européenne pour forcer les nations européennes à réduire leur dépendance américaine. Nous exportons des Rafales, des canons Caesar, des sous-marins, des hélicoptères ainsi que des systèmes d’arme parmi les meilleurs au monde. Il n’est plus tolérable que les pays européens se fournissent ailleurs. Cela affaiblit notre défense, et par extension la défense européenne. La France doit utiliser sa position au sein de l’UE de manière plus agressive, et notamment sur cette question d’achat d’armement.

  • Nous devons relocaliser la production de munitions en France et faire tourner ces usines à plein régime. Aussi bien pour du petit calibre que pour les obus. Nous avons perdu ces savoir-faire, et relancer la filière de production prend du temps. C’est néanmoins essentiel.

  • Nous devons mettre en place des projets audacieux à long terme. Nous construisons en ce moment un nouveau porte-avion. Un seul hélas, alors que les délais de conception sont longs. Malgré le coût de plusieurs milliards d’euros, il en faudrait un deuxième, pour faire face aux menaces grandissantes des années à venir en Indopacifique. De là, découlerait la production d’autres navires afin de renforcer ce nouveau porte-avion. Notre marine pourrait ainsi jouer un rôle davantage dissuasif dans certaines régions du globe.

  • En nous inspirant des retours que nous avons de la guerre en Ukraine, continuer à innover militairement, et redévelopper des matériels peu couteux et en masse.

  • Investir massivement dans la production et l’emploi de drones. Les drones seront à la prochaine guerre ce que furent les tanks lors de la Seconde Guerre Mondiale. Nous avons trop peu de drones pour établir une doctrine d’emploi cohérente. Nous avons des années de retard par rapport à ce que propose l’Ukraine, la Russie ou même la Chine. Il faut que dans les mois qui viennent, nous puissions équiper nos régiments de dizaines de drone afin d’entrainer nos soldats à ces équipements nouveaux, qui nécessitent d’être intégrés dans l’environnement de combat actuel. Cela est vital.

Le coût de ces mesures non exhaustives est considérable, mais absolument nécessaire compte tenu de la situation que traverse la France. Ces dépenses doivent être primordiales dans l’établissement d’un budget et passer avant tout autre mesure. Les efforts que réclamaient le Général Pierre de Villiers il y a huit ans et qui n’ont pas été appliqués doivent se faire maintenant, de manière plus prononcée. D’autres pays le comprennent. L’Allemagne est en passe de devenir la première armée d’Europe. Le budget militaire pour l’an prochain sera quasiment le double de celui de la France, avec près de 100 milliards d’euros consacrés à la Défense. Les Japonais, pourtant contraints depuis 1945 à avoir une armée faiblement dotée annoncent se doter d’un budget de 100 milliards de dollars l’an prochain. La Pologne ne cesse d’augmenter ses allocations pour la Défense, consacrant près de 5% de son PIB à ce secteur (environ 45 milliards d’euros pour 2026). De notre côté, Catherine Vautrin vient de proposer un budget de 57 milliards d’euros en 2026 pour les armées françaises, soit un peu plus de 2% de son PIB. L’effort budgétaire français devrait se placer immédiatement aux alentours de 100 milliards d’euros par an, même dans le contexte actuel d’instabilité politique et d’absence claire de majorité. Les intérêts français doivent prévaloir à la lutte entre les partis politiques.